Hier et aujourd'hui: des Héros.

 

Qui sont ils ? Que sont ils ?

 

            Ces personnages nous passionnent, nous inspirent, et nous unissent, réveillant en nous des Histoires ancestrales et faisant écho aux mythes lointains.
Ce postulat peut paraitre enfantin, après tout, comment un gugusse en collants bleus et rouges avec un slip par dessus le tout (plus maintenant Hallelujah) pourrait il représenter une quelconque source d'inspiration ? Tout le monde aura bien évidemment compris la référence au plus ancien et à l'archétype de tous les Super-Héros: Superman.
Et pourtant, nombre de lecteurs savent bien qu'ils ont le potentiel pour véhiculer des histoires intelligentes et des valeurs universelles.
Seulement, si les personnages tels que Superman et Batman sont relativement récents dans l'Histoire humaine (publié par DC Comics en 1938 pour le premier et en 1939 pour le second), force est de constater qu'ils sont les vecteurs et porteurs de valeurs et d'idéaux remontant bien plus loin dans le temps.
 
Depuis leur apparition dès le milieu des années 1930, ils sont omniprésents dans la culture populaire américaine. Incarnant un idéal et représentant la perpétuelle évolution de la société qui leur donne vie (tant sur le plan social, qu'économique ou spirituel), ils ont illustré la Guerre Froide, le Maccarthysme, le Viêt-Nam, la peur du nucléaire et nous accompagnent à chaque période de l'Histoire depuis bientôt un siècle.
 


A la question "Que sont ils ?", il me semble important de répondre que ceux-ci ne sont pas apparus ex nihilo, loin de là. Ils sont en effet les héritiers de nombre d'autres figures avant eux tels que les Chevaliers de la Table Ronde (d'où le surnom de Chevalier d’Émeraude pour l'un, de Chevalier Noir pour un autre), Robin des Bois, Zorro, les Héros et dieux grecs etc (certains sont même repris par les maison d'éditions comme Hercule chez DC et Marvel), ils sont de possibles relectures des mythiques couples littéraires tel que Docteur Jekyll et Mister Hyde pour ne citer que celui-ci, une métaphore de la dualité de l'homme et seront même l’écho, d'abord littéraire, puis cinématographique de personnalités publiques telles que Franklin Delano Roosevelt dont la victoire sur la crise économique s'est opérée malgré une paralysie l'obligeant à se déplacer en fauteuil roulant, Martin Luther King ayant lutté pour l'abolition de la discrimination à l'encontre des noirs et l'intégration de ceux-ci au sein de la société, ou encore Malcolm X.
D'ailleurs, Zack Snyder, réalisateur de Man Of Steel déclare lui même (en parlant des personnages de DC Comics): "Ce sont vraiment les archétypes les plus purs. Ils sont littéralement bibliques. Si vous donnez vie correctement aux personnages de DC, ils peuvent être importants, ils peuvent nous concerner", témoignant de l'universalité de leur impact.

A la question "Qui sont ils ?", je serai tenté de répondre "nous". Amenés à la vie par les hommes et les femmes qui nous content leurs histoires et odyssées depuis maintenant plus de soixante-dix ans, ils représentent en effet l'incarnation de nos espoirs, de nos doutes et de nos peurs. Ils représentent pour certains ce à quoi l'Homme aspire, ce vers quoi il tend.
Embrassant la lumière pour l'un, flurtant avec les ténèbres pour un autre, les approches ont beau se distinguer, l'histoire reste la même: celle d'un homme qui cherche à devenir un Homme, celle de celui qui embrasse son potentiel humain afin de surpasser sa condition.

Quant à savoir à quoi ressembleront les Héros de demain, il ne tient qu'à nous de leur donner vie. 



" You won't find the answers by looking at the stars
It's a journey you'll have to take by looking inside yourself "







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Les Super-Héros: une histoire d'héritage (Partie I)

 

Dans les pas de Moïse

 

 

              Souvent considéré comme un dieu à part entière en raison de ses pouvoirs extraordinaires, le Dernier Fils de Krypton revêt pourtant d’avantage une dimension prophétique et messianique que divine.
Tout d’abord, on le présente très régulièrement comme une guide pour le peuple, un élu qui doit inspirer les hommes à donner le meilleur d’eux mêmes. En cela, il est une allégorie de Moïse, le premier prophète du Judaïsme. Tel Moïse guidant le peuple hébreu à travers le désert, Kal-El guide le peuple de la Terre à travers les difficultés et l’encourage, par l’exemple, à devenir meilleur. On peut d’ailleurs entendre Jor-El dans le film  Man Of Steel s’adresser à son fils : « They will race behind you, they will stumble, they will fall. But in time, they will join you in the sun. In time, you will help them accomplish wonders». Cela dénote avec pertinence la dimension de guide, intrinsèque au personnage de Superman, le peuple marchant dans ces pas, chutant, mais se relevant, dans la lumière de son exemple.
Au delà de son aspect de guide, il partage avec Moïse un exil involontaire. En effet, alors que Pharaon souhaite la mort de tous les nouveaux nés du sexe masculin, sa mère Jocabed le cache puis l'abandonne sur le Nil, dans une corbeille afin que celui-ci puisse vivre. Il sera finalement recueilli par la fille de Pharaon. De son côté, Superman nait sur Krypton dans une période instable. Peu après sa naissance, alors que la planète est condamnée à la destruction, les parents du petit Kal-El le placent dans une vaisseau et l'envoient à travers l'espace, sur Terre, pour que celui-ci, comme Moïse, puisse vivre.
D’ailleurs, le nom d’origine de Superman, à savoir Kal-El, est d’origine hébraïque et peut être interprété comme « voix de Dieu » ou encore « chevalier de Dieu ». Ses créateurs, Jerry Siegel et Joe Shuster étant deux fils d'immigrés juifs, on comprend mieux les influences judaïques qui ont bercé le personnage lors de sa création.
Et d'ailleurs, Lex Luthor ne serait-il pas le reflet de Ramsès II qui, tout comme le premier n'a de cesse de mettre son adversaire à l'épreuve ? Car pareillement à Lex Luthor, Ramsès II méprise le commun des mortels (en particulier les Hébreux), mais c'est bien Moïse qu'il souhaite détruire en faisant souffrir son peuple. De la même manière, Lex Luthor fait souffrir les habitants de Métropolis en testant Superman avec toujours plus de haine et d'ambition. Peut-être l'aspect chauve des deux personnages n'est-il pas une coïncidence, et que la corélation entre Superman et Moïse s'étend également à leurs "nemesis" respectifs ...
(Anecdote: Les personnages de Ramsès II dans le film d'animation Le Prince d'Egypte et de Superman dans la série animée Superman: l'Ange de Métropolis sont tous deux doublés en français par le comédien Emmanuel Jacomy)




















De plus, l’Ange de Métropolis est explicitement comparé à Jésus Christ dans le film de Bryan Singer Superman Returns de 2006 : «They can be a great people, Kal-El, they wish to be. They only lack the light to show the way. For this reason above all, their capacity for good, I have sent them you ... my only son». Ainsi, tel Dieu envoyant son “fils” unique Jésus guider le peuple de la Terre, Jor-El envoie le sien, accomplir la même mission. 
 

Par ailleurs, il est généralement mis en scène en contre jour d’un halo de lumière, voire du Soleil lui-même. C’est le cas sur l’arc « For Tomorrow » de Brian Azzarello et Jim Lee, dans lequel ce dernier le représente à de multiples reprises face à un prêtre, en contre-plongée ou dans un contre jour laissant apparaître une croix en arrière plan. Dès lors, un parallèle avec le Messie de la religion Chrétienne est inéluctable. Et bien que les créateurs de l’Homme d’Acier étaient deux adolescents juifs, il est indéniable que l’inspiration puisse venir entre autre du Fils de Dieu.


Les interprétations de ce personnage peuvent être multiples. Comme le souligne Loïs Lane dans Man of Steel: « For some, he was a guardian angel, for others, a ghost who never quite fit in ».

Il est dans cet article fait mention de l’influence indéniable de Moïse et de Jésus. Cependant, de nombreuses autres lectures sont possibles. Ainsi, Superman peut tout aussi bien figurer, sous sa forme civile, Zeus sous forme humaine aidant ponctuellement les humains. D'autres peuvent voir en lui, comme ce fut développé dans un article précédent, l’individu ayant subi la chute décrite chez Platon et tentant de fuir la caverne. D'autres encore pourraient y lire un Chevalier moderne comme en attestent sa cape majestueuse et son blason symboliquement porté sur le torse. Et pourquoi pas un ange ? Comme le laisse sous entendre le titre français de Superman: the animated series traduit par Superman: l'Ange de Métropolis.

 

 

 

Personnage précurseur, aussi bien d'un genre littéraire (le comics de Super-Héros) que d'une action, Superman est un prophète dans l'édition
et dans ses aventures.

"A genius in intellect, a Hercules in strength, a nemesis to all wrong doers, The Superman !"






PS: Je vous recommande vivement l'écoute du morceau "Trials" issu de la bande originale de Smallville, composée par Louis Frebre. Avec le thème mythique de John Williams, ce morceau est pour moi la meilleure création musicale que le personnage se soit vu offrir. Vous le trouverez dans la playlist Deezer présente dans la colonne de droite. 

 

 

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Les Super-Héros, une histoire d'héritage (Partie II)

 

La cape, le masque et la pipe

 

 

                    On sait que les parents de Bruce Wayne alias Batman sont les illustres philanthropes de Gotham City, Thomas et Martha Wayne. Mais ce que l’on sait moins, c’est que plus tôt dans son arbre généalogique, l’homme chauve-souris compte également Dracula, mais aussi Sherlock Holmes ainsi que Zorro. 

 

 

                En effet, il semblerait que dans ses grandes lignes, le personnage de Batman soit un melting-pot de la littérature populaire du XVIIIe et du début du XIXe siècle. De l’aveu de ses créateurs, Bob Kane et Bill Finger, la principale influence qui conduisit à la création du Chevalier Noir fut le film Le Signe de Zorro avec Douglas Fairbanks dans le rôle titre : « Quand je me suis rappelé Zorro, pataud la journée et vengeur masqué le soir, cet homme qui sortait d’une cave, sur son cheval noir, j’ai eu l’idée de Batman, de la Batcave, de la Batmobile et du masque ». De plus, tel Zoro marquant d'un Z les lieux de ses péripéties, Batman orne le ciel de son majestueux bat-signal, à la fois symbole de protection sur la cité de Gotham et appel d'urgence lorsque le Commissaire Gordon le juge nécessaire.

 

Aujourd’hui encore, cet héritage est connu des artistes et revendiqué. D’ailleurs, l’auteur écossais Grant Morrison rend hommage aux origines du Caped Crusader sur son run The Return of Bruce Wayne durant lequel Bruce Wayne, perdu dans le temps après Final Crisis se retrouve incarné à différentes époques de l’Histoire. 

 

 

L’une d’entre elles est le Wild West du début du XIXe siècle. On peut alors y voir Bruce Wayne, camper un chapeau noir et vêtu d’un ensemble semblant tout droit sorti de la garde robe de Zorro, chevaucher un destrier noir. 

La ressemblance est indéniable, et l'héritage incontestable. Bien que Batman agisse au XXe siècle (lors de sa création), Grant Morrison rappelle une nouvelle fois les véritables origines du personnage en l'immortalisant ici dans une pose emblématique, celle du cavalier surgissant hors de la nuit, Zorro. 

 

 

 

 

 

                 Mais Zorro ne constitue pas la seule source d’inspiration ayant contribuée à la création du Chevalier Noir. En ce qui concerne Dracula, célèbre personnage littéraire de la fin du XVIIIe siècle, porté à plusieurs reprises à l’écran, Batman semble hériter de lui sa part gothique/chauve-souris de laquelle il tire son nom et son activité exclusivement nocturne. Cependant, hormis ces deux aspects ainsi que la cape commune aux deux personnages (mais que Batman hérite de Zorro), les points communs paraissent s’arrêter ici. A moins que Bruce Wayne ne dorme dans un cercueil et ne prenne des cuites au sang, les ponts me paraissent minces entre le célèbre vampire et l’homme chauve-souris. Il existe toute fois une rencontre anecdotique des deux personnages dans le film animé Batman VS Dracula.



             Enfin, le dernier mais pas le moindre, une influence majeure sur l'homme chauve-souris, le plus grand détective du monde (premier du nom), j’ai nommé Sherlock Holmes.
Effectivement, Batman apparaît pour la première fois dans Detective Comics #27 en 1939, soulignant ainsi, même sans lien pertinent au premier abord, la dimension policière du personnage. Bien sûr, rien dans l’apparence physique de l’homme chauve-souris ne laisse transparaitre un quelconque héritage du style vestimentaire du détective de Sir Conan Doyle, mais cependant, quelques gadgets ornent la ceinture du Chevalier Noir, à qui l’on attribue très rapidement le titre de « plus grand détective du monde », détenu jusque là par Sherlock Holmes. 

 

 

De plus, comme Sherlock, Batman fait toujours appel à sa très large connaissance dans de nombreux domaines et à la puissance de la déduction pour résoudre différentes affaires, et maitrise, tel son aïeul, plusieurs styles de boxes et d’arts martiaux. D’ailleurs, nombreuses sont les référence à cet héritage puisqu’à maintes reprises, les deux détectives furent représentés ensemble dans divers pastiches et parodies mettant en jeu les talents des deux figures, mais également dans des numéros spéciaux. Pour le Cinquantième anniversaire de DC Comics, les deux hommes se rencontrent dans les pages du numéro 572 de Detective Comics qui contient une histoire inédite d'Holmes ainsi qu'une aventure en duo partagée par les deux figures devant résoudre l'affaire du "Doomsday Book".

 

Par ailleurs, les deux hommes se rencontrèrent antérieurement à ce récit puisqu'une apparition de Sherlock Holmes est réalisée dans un numéro de l'âge d'or de Detective Comics.

 




Personnage aux influences multiples, Batman n'est cependant pas une simple relecture des figures desquelles il découle. Il est avant tout une création originale et un personnage à part entière dont la lignée s'inscrit dans celle d'autres figures mythiques de la littérature populaire.

 

 

 

 

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Les Super-Héros: une histoire d'héritage (Partie III)



                     Tout comme beaucoup d'autres Super-Héros, Spider-Man doit une de ces origines à une figure héroïque qui lui est antérieure, dans son cas en la personne de l'homme-singe: Tarzan. 
Tous deux orphelins, souverains de leur royaume respectif, ils partagent un territoire commun : la jungle. Végétale pour l’un, urbaine pour l’autre, la nature de celle-ci a beau différer, Tarzan et Spider-Man n'en demeurent pas moins les Rois.
D'ailleurs, leur mode de déplacement au sein de ce royaume les distingue et leur confère la singularité d'un Être supérieur. Ni cheval, ni voiture, ni vélo, ni transports en commun, mais des lianes, des arbres, des toiles et des buildings. 
D’une jungle à l’autre, les lois sont les mêmes, et les moyens de se déplacer rapidement semblent limités. En cela, l'homme-singe et l'homme-araignée partagent donc déjà un point commun, le trafic sensible de la jungle et leur façon de l’appréhender. Ainsi, le balancement et l'escalade semblent être les modes de déplacement les mieux adaptés et les plus efficaces pour la jungle, naturelle ou urbaine. 
Prolongement naturel de la jungle pour Tarzan, les lianes de Spider-Man sont le fruit de sa création puisqu’il en est à l’origine. Là où le premier semble prisonnier de cet environnement duquel il parvient tout de même à tirer profit, le second concilie « emprisonnement » et création de son environnement. 
Ainsi, bien que les structures nécessaires à son déplacement soient figées et immuables au même titre que les arbres qui permettent à Tarzan son déplacement si particulier, Spider-Man a le choix d’agencer ses toiles de la façon qu’il souhaite, donnant une perspective sans limites à son déplacement.
Et même si les affiliations entre ces deux personnages ne sont pas ouvertement revendiquées, il est incontestable qu’il existe de nombreuses similitudes et influences (in)volontaires de l’un à l’autre.
 
En outre, la jungle New-Yorkaise sur laquelle règne l'alter-ego de Peter Parker possède, tout comme celle de Tarzan, ces prédateurs et sa hiérarchie au sein d'une chaîne de survie bien ordonnée. Les chasseurs cèdent leur place aux caïds, les fauves se substituent aux agresseurs divers. 
Par ailleurs, on retrouve une autre similarité entre les deux personnages, leur cri. Emblème de victoire chez Tarzan ou cri dû à l’adrénaline des balancements vertigineux chez Spider-Man, les deux s’élèvent au dessus de leur royaume respectif comme un symbole de domination sur leur territoire, chacun Maître de son environnement.


Explicitement inspiré de l'homme-singe, Spider-Man représente le Tarzan moderne et urbain. Il partage avec lui son cri de victoire ainsi que son déplacement. Cependant, il s'émancipe de son modèle par sa double identité et son statut. Là où Tarzan se contente de protéger sa "famille", l'alter-ego de Peter Parker veille sur sa cité entière: New-York.




 

Où le (Super)-Héros reflète l'esprit de contradiction

 

Cet article peut paraitre familier, une impression de déjà lu, mais il existe tant d'interprétations possibles à la révélation du Héros qui sommeille en chacun de ces personnages qu'il me semble important d'en exposer plusieurs, ou du moins celles que je perçois.

 


                Être un (Super)-Héros, qu'est ce que cela signifie ? Botter des fesses ? Se promener en collants ? Être un modèle patriotique ? Défendre la veuve, l'orphelin et la Cité ? Être un guide ? Se défaire des chaines matérielles et morales ? Être à la frontière entre Dieux et mortels ?
Les "critères de sélection" semblent être innombrables. Pourtant, certains prévalent sur d'autres. Il a été fait mention dans les articles précédents de la réalisation de son potentiel comme facteur crucial de "l'apparition" du (Super)-Héros. C'est de cette réalisation dont il sera ici question, vue sous un autre jour. Ce court article est donc un complément aux autres et a pour but de donner une nouvelle lecture à cette révélation.

Se construire: en voilà une tâche ardue. Nous naissons. Nous grandissons. Nous intégrons des codes, des valeurs, une morale. Nous nous construisons en calquant notre image à celle des autres, celle d'un modèle qui nous sert de repère.
Mais vient un jour où les images sur lesquelles on se calque et se construit ne suffisent plus à savoir qui l'on est, où l'argument d'autorité n'a plus de légitimité. Ce jour est celui du passage à l'âge adulte. Or, ce passage ne peut se réaliser que si l'individu traverse une remise en cause de lui même, de son identité sans les autres. Les choses sont comme elles sont, mais pourquoi ? Qu'elle sont les raisons qui font que je suis moi et pas un autre ? Savoir qui l'on est ne suffit plus. Seul sentir qui l'on est importe. 
Tel Clark Kent jeune sachant qu'il est voué à achever de grandes choses mais ayant parfois peur d'endosser le rôle de sauveur, l'individu en construction, bien que sachant de quoi il est fait, est effrayé par l'optique de remettre ce bien fondé en question. Or, comment sentir qui l'on est sans l'esprit de contradiction pour tout remettre en question ?
C'est en partie cet esprit de contradiction qui permet l'apparition du (Super)-Héros. Car oui, même si celui-ci est conscient de son élection, de son destin hors du commun, ce n'est qu'en le remettant en question qu'il accède au statut qu'on lui connait. En effet, comment hériter entièrement d'une identité qui nous est donnée, qui nous semble due, sans la remettre en cause ?
Dans un monde où notre identité nous est donnée et non pas offerte en récompense d'une quête, où l'anonymat semble de rigueur, le (Super)-Héros remet celle-ci en question. Et d'ailleurs, qui peut prétendre sentir qui il est réellement avant d'avoir remit en cause ce qui fait de lui ce qu'il prétend être ? Savoir qui l'on est permet de vivoter, sentir qui l'on est permet de vivre ! C'est cette tâche qu'accomplie le (Super)-Héros en interrogeant son élection, pour finalement y revenir.


Ainsi, le voyage du (Super)-Héros, et par extension, de l'individu en construction, est parfois effrayant car l'on craint qu'il ne mène vers des contrées lointaines et étrangères, dont on ignore tout, alors qu'il n'a pour seul but de rendre limpide ce que l'individu savait juste, sans le sentir justifié ni mérité, et de lui permettre de poursuivre sa route, dans la pleine lumière de l'identité qui lui est due et qu'il mérite désormais. 



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Héros et Super-Héros, quels rapports de Force ?

               

           La figure du Héros dans la tradition Gréco-Romaine connait plusieurs itérations. Chez Homère, il est un individu présentant un courage et un mérite exceptionnel, favoris des Dieux. On citera Ulysse et Achille qui sont les plus connus. Chez Hésiode, il est le résultat de l'union entre un Dieu (ou une Déesse) et une mortelle (ou un mortel). Dans les deux cas, le Héros est un Élu. 
Les Super-Héros sont donc par nature des Héros. Présentant des pouvoirs surnaturels, presque divins, ou des capacités physique et morales hors du commun, ils illustrent les deux conceptions du Héros.
Mais pourquoi préférer ceux aux super-pouvoirs à leurs homologues mortels ou mythologiques dont les aventures nous sont contées depuis des millénaires ? La réponse à cette question est bien évidemment subjective et propre à chacun, elle n'engage ici que mon point de vue personnel, libre à quiconque de ne pas partager cette opinion et de la débattre.

Cette question semble légitime, car si les Super-Héros sont les héritiers de nombre de personnages historiques et personnalités, pourquoi leur portons nous souvent plus d'attention (sûrement à tord) qu'à leurs modèles ?
Tout d'abord parce que ces chevaliers volants (ou non) se présentent à nous en tant que divertissement dans un premier temps. Personnages principaux des comics éponymes, ils nous divertissent et nous font rêver grâce à leurs aventures.
De plus, ils demeurent temporellement plus proches de nous que leur modèles ne le sont. En effet, les Super-Héros évoluent avec leur lectorat au fil des décennies et se font les échos des préoccupations et problèmes contemporains, et bien que les nombreux mythes et légendes dont ils s'inspirent puissent être constamment réinterprétés et modernisés, on ne saurait reprocher aux amateurs de Super-Héros de s'identifier avec plus de facilité à des personnages contemporains plus qu'à des modèles antiques.

Cependant, il existe certains personnages s'inspirant de personnalités actuelles à leur époque et pouvant pour certains être considérés comme des Héros telles que Martin Luther King ou Franklin Delano Roosevelt comme cités dans l'article précédent.
Si vous êtes un fan inconditionnel, il ne vous aura pas échappé que les homologues de MLK et M.X dans les comics ne sont autres que le Professeur X et Magneto, l'un luttant pour l'intégration pacifique des mutants au sein de la société, l'autre souhaitant créer un État de mutants (l'île Genosha après que les Nations Unies lui cèdent celle-ci pour son projet de nation mutante).

Toutefois, il existe quelques exceptions dans le cadre de certains romans graphiques ou de courtes séries. C'est le cas par exemple de l’œuvre de Steve Moore, portée sur Hercule (The Thracians Wars puis The Knives of Kush) parue chez Radical Comics. Il s'agit bien ici d'un comics, dont le but est de retranscrire la légende d'Hercule telle qu'elle pouvait l'être par la tradition orale, de "restituer l’atmosphère qui baigne ces récits héroïques, ou pas si héroïques", et en respectant les différentes sources historiques sur lesquelles l'auteur s'est reposé. Ces deux albums représentent un compromis entre le comics "fictif" de Super-Héros, et un récit mythologique soucieux de sa justesse "historique".


Par ailleurs, tandis que les supports de représentation visuelle des Héros antiques consistent en sculptures, peinture, poteries et autres statues, il est un aspect dans l'histoire des Super-Héros qui n'existe par chez leurs modèles et prédécesseurs. Il s'agit de leur support de publication: les comics, publiés de façon mensuelle. Fortement imprégnés dans la culture populaire américaine, ceux-ci permettent de les immortaliser dans des postures au fort pouvoir évocateur grâce à un dessin relevant parfois du génie et donnant tout leur sens à ces Héros modernes.
Enfin, pourquoi bouder le fun quand on peut joindre l'utile à l'agréable et voir des personnages fictifs dotés de super-pouvoirs ou de super-gadgets botter quelques paires de fesses ?




Il convient toutefois de souligner et de ne pas oublier que sans les Héros antiques et contemporains, réels (tel que Gandhi) ou fictifs (comme Ulysse ou Hercule), nos Super-Héros ne seraient sûrement pas grand chose.





 Inutile de rappeler l'influence plus qu'évidente du célèbre Justicier de Sherwood, Robin des Bois, sur Green Arrow ou encore Hawkeye







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Un Homme, un Alter Ego


              
                Derrière chaque Super-Héros se cache un concept simple mais qui constitue maintenant un des aspects classiques de celui-ci: la double identité.
Il existe en effet l'homme derrière le masque (ou le costume), et le Symbole.

Loin d'être à l'origine de ce "concept", les Super-Héros l'empruntent à d'autres personnages avant eux.
Mais contrairement au fameux Docteur Jekyll qui cherche tant bien que mal à éradiquer sa part obscure le Mister Hyde, le Super-Héros lui, crée volontairement une dualité qu'il soigne et entretien pour le bien de son entourage. Ainsi on assiste à la naissance de l'homme en civil, et de l'homme en costume.

Par ailleurs, on peut également observer une autre forme de dualité entre le Super-Héros et le nemesis qu'il affronte sans relâche. Il est bien connu que la valeur d'un héros n'est sublimée que par le potentiel de ses adversaires. Et c'est en jouant sur la symbolique du héros et du vilain que les auteurs donnent aux Super-Héros un tel intérêt. Hormis le grand spectacle qu'il proposent au travers de l'action, ils offrent une lecture peu exploitée du héros et du vilain, les associant à deux faces d'un même être. Ils offrent donc une double perspective de dualité chez ses personnages qui gagnent alors en profondeur. Tout d'abord la dualité entre l'homme et l'alter-ego: lequel des deux représente l'être en lui-même ? Le masque est-il l'homme en costume ou l'homme en civil ? Que permettent le costume et le statut que ne permet pas l’anonymat ? Le (Super)-Héros naît il donc en tant qu'homme lambda ou sa nature héroïque est elle ce qui le caractérise de manière ontologique ? En effet, comme ce fut développé dans le roman graphique Superman Birthright mais aussi dans la série Smallville, le camouflage de Superman n'est pas son costume, puisque celui-ci joue le rôle de symbole, mais bel et bien son alter ego civil, Clark Kent. C'est cet aspect de sa personnalité que le personnage travaille afin de le rendre invisible aux yeux de tous.
Et enfin la dualité entre le Héros et le vilain: sont ils dissociables ? Sont ils deux êtres indépendants ayant chacun leur propre destinée ou bien représentent ils le yin et le yang dans toute leur symbolique d'un même être, tragiquement voués au même destin ? Tels l'homme et la femme, l'un peut il exister sans l'autre, peut il réaliser son véritable potentiel sans la présence de l'autre ?
C'est donc une tentative de relecture moderne de la nature de l'homme qui est effectuée par les différents artistes.
 
A chaque époque ses figures, et l'une des figures modernes du héros grec névrosé doublé d'un chevalier défenseur de la veuve et de l'orphelin pourrait bien résider en ces personnages fantastiques.



 



Une fois Clark Kent effacé, l'Homme apparaît, le symbole naît


 










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Superman: l'évadé de la Caverne ?


            Peut être que certains trouveront cela un peu gros, ou que les comparaisons vont trop loin. Peut être ces différents articles répondent ils à un désir personnel de trouver chez les Super-Héros des origines encore plus grandes qu'eux. Toujours est il que cet article a pour but d'exposer mon interprétation de ce personnage qu'est Superman. Naturellement, libre à quiconque de ne pas la partager. Le parallèle avec Moïse et Jésus fait plus haut relève de l'héritage du personnage. Le but de l'article présent est plutôt de se pencher sur ce que celui-ci, ou plutôt le schéma de la vie du Dernier Fils de Krypton, représente.

              Un fort parallèle peut être observé entre l'Allégorie de la Caverne de Platon et le schéma que suit la vie de Superman. Sauf erreur de ma part, il est à noter que, tel l'homme qui a chuté pour Platon, Superman "tombe" sur Terre depuis sa planète native, Krypton, qu'il n'aura alors de cesse de rechercher durant sa vie. En somme, Krypton représente pour lui son Monde Intelligible pour reprendre "l'expression" de Platon, son monde originel qu'il cherche à rejoindre. Car bien que Superman soit un Super-Héros, il est avant tout un homme, et est par conséquent en quête de réponses aux questions existentielles universelles: pourquoi est il ici ? Quel est son rôle ? Que doit il accomplir ?
(Au passage, il est intéressant de remarquer que l'on peut dès lors établir un parallèle avec un héros de la Grèce antique, mis en lumière par Homère: Ulysse, dont l'Odyssée pour retrouver Ithaque son île native ainsi que sa femme et son fils revêtent la forme d'une quête). 
La Terre quand à elle, représente le monde sensible, le monde duquel il doit parvenir à s’affranchir pour devenir plus qu'un homme.
Nous avons donc dès lors une chute, une dualité des mondes, et un idéal perdu que la quête personnelle permettra de retrouver.

Par ailleurs, l'homme prisonnier de la Caverne de Platon est enchainé, tout comme l'homme est enchainé par des lois physiques et morales. L'affranchissement de ses lois est un symbole de renaissance. L'homme devient un Homme. En effet, quoi de plus évocateur comme que le pouvoir de voler pour évoquer l'élévation de l'esprit et l'affranchissement des chaines matérielles par l'homme ?


De plus, malgré diverses tentatives d'ascension vers la lumière à la sortie de la caverne, l'homme échoue, même lorsque celui-ci parvient au dehors, mais est aveuglé par cette soudaine luminosité, telle une vérité éclatante qu'il n'est pas apte à concevoir et ayant donc pour conséquence de l'aveugler et le décourager. S'il persiste dans sa quête, il y parviendra. Il pourra retrouver son monde originel. Superman représente donc la réussite de cette initiative, l'évasion de la Caverne pour rejoindre un monde, ou du moins un état originel.


Cependant, il n'est pas propre à Superman d'être un évadé de la caverne, nombre de Héros avant lui y sont parvenus, en témoigne Borgès: «Tous les hommes au cours des âges n'ont raconté que deux histoires: celle d'un navire perdu qui veut, à travers les flots méditerranéens, retrouver son île bien aimée, et celle d'un dieu crucifié sur le Golgotha».
Mais c'est une nouvelle fois sur les Super-Héros que l'on se penche ici.






Up, up and away ! 

L'homme s'émancipe de ses chaînes et s'envole vers le soleil












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Kick Ass le Bad Ass !

        
          Au lieu d'une petite réflexion sur nos amis en collants, cet article se concentre cette fois sur un ados comme les autres, pas comme les autres: Dave Lizewski.

      Plutôt admirateur de l'archétype du Super-Héros que lecteur hardcore de comics, j'étais passé à côté de cette superbe œuvre que l'on doit à Mark Millar et John Romita Jr. Dans une tentative de rectifier le tire sur ma connaissance quelque peu défectueuse des comics (bien qu'étant plus que familier avec de nombreux personnages et leurs histoires), je me procure depuis peu quelques albums et graphic-novels qui attirent mon attention.
Et c'est en lorgnant sur les étagères de comics d'un grand magasin que je suis tombé sur les deux albums qui constituent Kick-Ass premier du nom. Bien sûr j'avais d'abord été un des très nombreux spectateurs du film de Matthew Vaughn que j'avais grandement apprécié.
Mais quelle surprise lorsque je découvre la fameuse œuvre originale ! Quel style narratif et visuel, et surtout quelles balls d'assumer un récit pareil ! Dès les premières pages centrées sur l'arménien au mental défectueux, le style est là. Le constat de Dave en "voix-off" sur le fait que personne n'ai jamais tenté de devenir un super héros malgré l'effervescence médiatique qu'on leur porte est tellement juste. Et c'est là que Kick-Ass prend toute son ampleur, en faisant évoluer son personnage principal dans le monde réel, en faisant de Dave l'adolescent rêveur de tous les jours. Quelle difficulté de ne pas s'identifier immédiatement au personnage. Si en plus comme moi vous êtes blond et que vous regardez effectivement Heroes et Scrubs ;)  

Le dessin quant à lui est une oeuvre à lui seul. Sa violence n'a d'égal que ça richesse en couleurs et chaque case est un véritable plaisir à regarder, principalement les séquences violentes où Romita Jr livre une superbe prestation. Les cases en contre jour sont sublimes et les gros plans ont été particulièrement soignés.


Et comment passer à côté des noms des différents personnages, tellement originaux. Pas un seul man ou boy mais de vrais noms bad ass ! Hit Girl, Big Daddy, Kick Ass, Red Mist ...

En tant que mauvais critique, ma description de cette œuvre est un peu floue et mes mots quelque peu pauvres et vagues, mais l'admiration et le plaisir sont là !
Aux rares lecteurs qui auraient vu le film sans lire le comics, je le recommande à tout prix.




Q


There's a new Sherrif in Town: le Super-Héros et la Loi


        Bien que ceux-ci soient admirés, respectés et idolâtrés, les Super-Héros n'en sont pas moins crains et redoutés. Donc plutôt que de se concentrer sur la nature de ces personnages, l'article qui suit se focalisera sur la portée juridique de ceux-ci.

         Malgré les valeurs libérales de ces hommes et femmes à capes et collants et le fait que leur action vise en général le bien du plus grand nombre, celle-ci n'existe pourtant qu'à l'extérieur du cadre juridique. En effet, leur statut est traduit en anglais par le terme vigilante se résumant à une personne ou un groupe rendant justice lui-même sans l'appuie et en dehors du système juridique. En d'autres mots, les Super-Héros n'ont aucune légitimité juridique ni légalité pour exercer leur activité. Ils sont donc, bien que cela puisse sembler paradoxal, des hors la loi.

C'est d'ailleurs un aspect souvent traité au cinéma dans les films super héroïques récents. En effet, aussi bien la presse que les forces de l'ordre tendent à craindre ces personnages urbains et à mettre en garde la population envers ces figures dont les motivations peuvent être incomprises et mal perçues au premier abord (disposant des pouvoirs ou capacités dont ils disposent, il est donc légitime de s’interroger sur les raisons qui motivent ses héros à les utiliser dans l'intérêt d'autrui); en témoignent la récente trilogie de Christopher Nolan pour Batman, le pouvoir de la presse dans les films de Sam Raimi pour Spider-Man, notamment Jonah Jameson le rédacteur en chef du Daily Bugle qui n'hésite pas à user de son pouvoir pour nuire au héros et monter la population contre lui, ou encore la figure policière représentée par le capitaine George Stacey dans le très récent Amazing Spiderman.


Pourquoi sortir du système pour pratiquer l'auto-justice ?

La première explication sur ce qui semble motiver les actions de ces personnages est qu'ils estiment le système juridique insuffisant ou inefficace, comme c'est le cas dans la récente série Arrow, mettant en scène Oliver Queen aka Green Arrow le célèbre archer de DC Comics. Motivé par des raisons personnelles et souhaitant éliminer le "mal" à sa racine tout en étant alerté de la corruption inhérente au milieu économique et politique, le personnage décide de rendre justice lui même, en endossant l'arc et la capuche.
Un second élément de réponse peut être l'aspect plus personnel de l'action des Super-Héros au sein de la population. En effet, celle-ci peut se sentir délaissée par des politiques trop éloignées de leur réalité et de leurs problèmes quotidiens. On a souvent cité dans le but de moquer, Superman faisant descendre un chaton coincé dans un arbre. Mais au delà de l'aspect niais de cette scène, ce geste est le symbole de la dimension personnelle de l'aide apportée aux citoyens.
Le reproche qui leur est donc souvent fait et est le motif de leurs chassés croisés avec les forces de l'ordre est d'être au dessus de la loi et d'échapper à celle-ci.

Cependant, bien que ses figures aient souvent dans un premier temps du mal à se faire accepter par la population et à gagner sa confiance et celle des organes juridiques et politiques de la ville, les Super-Héros finissent par devenir un élément à part entière dans l'équilibre urbain.





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